Le début de la course
Début 2020, je décide enfin de conquérir internet et de rendre toute la population francophone consciente de sa santé. J’ouvre ma chaîne youtube, écris, filme, édite et poste environ deux vidéos par semaine. Très satisfaite de voir le nombre de vues augmenter, je décide également de conquérir instagram. J’ai connu instagram depuis ses débuts, mais l’utilisation que j’en faisais était purement personnelle. Je ne savais pas comment je pouvais l’utiliser pour gagner de l’argent.
J’ai donc regardé beaucoup, beaucoup, de contenus à ce sujet et ai essayé d’appliquer les conseils :
- Poster tous les jours
- Faire des photoshooting régulièrement afin de toujours avoir une photo sous la main
- Passer plusieurs heures dans la semaine à créer des posts, les rendre engageants
- Avoir les mêmes couleurs de marque qui reviennent pour que le publique sache me reconnaître immédiatement…
A chaque sortie, je dégainais mon téléphone et demandais à mon chéri de me prendre en photo, posant comme une mannequin sans véritable objectif en tête.
J’étais influencée par ces femmes qui avaient “réussi”, qui gagnaient plus de dix fois le SMIC (au minimum), et qui m’avaient attirées avec leurs belles photos, leur côté sportif, leurs beaux vêtements et l’environnement paradisiaque dans lequel elles étaient.
Environ 1000 abonné.es étaient arrivés sur instagram , mais ce n’était pas “assez” (car je ne comprenais pas que le but n’était pas d’avoir 20.000 abonné.es, mais des personnes vraiment intéressées). C’est à cette même période que je suis tombée sur le profil d’une femme qui a tout de suite attiré mon attention : avec ses magnifiques photos au bord de la mer, son corps tonique, ses sujets sur le féminin sacré… Je pensais avoir trouvé mon mentor. Après un appel avec elle, j’ai donc signé pour payer plus de 2000 euros pour 8 séances. 2000 euros. J’avais alors 22 ans et je travaillais en temps partiel en magasin et avais déjà peu d’argent pour finir les fins de mois. Mais j’ai trouvé le moyen de la payer.
Mon but était d’avoir les mêmes résultats qu’elle. Je pensais qu’elle allait solutionner mes problématiques.
Avec du recul, j’aurais récupéré tout cet argent pour investir dans une formation plus concrète.
Une (très) mauvaise manière de débuter la journée
Dès que mes yeux s’ouvraient, ma première pensée était à mon téléphone.
Avais-je reçu de nouveaux commentaires ? De potentielles clientes ? M’avait-on trouvé belle ?
J’attrapais donc mon smartphone et scrollais. Je pensais pourtant que cette mauvaise habitude était restée derrière moi.
Presque toutes mes matinées commençaient comme cela. Le même comportement que de mes 14 à 18 ans, lorsque je passais les premières minutes de ma matinée à envoyer des snaps à mes amies (en prenant soin de mettre les filtres les plus immondes).
Mon cerveau était grillé en quelques secondes; Ce geste impactait tout le reste de ma journée et me rendait nerveuse. Je ne pensais qu’à une chose : retourner sur insta pour voir si j’avais de nouvelles notifications. Je n’avais pas besoin d’aller au casino pour expérimenter les mêmes effets addictifs à travers un écran.
J’étais pourtant consciente (mais pas assez) que ce premier geste de la journée impactait mon niveau d’anxiété et empiétait sur ma paix .
J’avais juste peur de manquer quelque chose, une opportunité. Peur d’être vite oubliée si je ne publiais pas rapidement.
Le Burnout
La veille de cet épuisement mental, j’avais posté ma publication, répondu aux commentaires, commenté sous d’autres publications, et certainement passé plus de 4h sur l’application et 3 autres heures à créer du contenu.
Ce rythme m’avait drainée : j’avais la sensation de faire beaucoup d’efforts pour avoir au final peu de retours. Parce que je pensais avoir appliqué toutes les bonnes stratégies, je pensais que je n’y arrivais pas seulement parce que c’était “moi”.
Le lendemain, je me réveillais complètement épuisée. J’étais très stressée. Je n’avais plus envie de faire tout ça. J’avais juste envie d’exploser mon téléphone contre un mur et de me barrer en Inde avec un sac à dos pour faire une retraite en nature.
Ce même matin, mon chéri m’a dit que je devais faire une pause, une coupure complète. Et pas seulement des réseaux, mais également de tous les écrans. Me re-concentrer sur moi, sur ma vraie vie ici, sur le travail, et passer plus de temps de qualité avec lui. Parce qu’à force d’être complètement absorbée par les écrans, on n’avait pas beaucoup de temps ensemble.
Aucun écran durant une semaine
Je supprimais donc les applications de mon téléphone et ne le gardait sur moi que pour recevoir et passer des appels. J’ai eu plein de temps pour appeler mes proches et avoir de longues discussions avec eux. Je suis sortie me balader plus longtemps, je dormais mieux et me réveillais avec une routine beaucoup plus saine. Je ne stressais plus en faisant mon yoga car je savais que, de toutes façons, je n’aurais pas accès aux réseaux ensuite.
Je dois avouer que j’ai pleuré la première journée. Je me sentais vidée, perdue et un sentiment de peur s’était installé :
- Mes proches allaient-ils m’oublier parce que je ne postais plus rien ?
- Les gens allaient-ils se désabonner de mon compte ?
- Est ce que j’allais être pénalisée par l’algorithme ?
- Qu’est ce que j’allais faire de tout ce temps libre ?
La semaine passée, je n’avais aucune envie de retourner sur instagram.
J’avais même peur de reprendre. Je ne savais pas si je pourrais réussir à me réguler toute seule, avoir une relation équilibrée avec les réseaux.
Dans les semaines et mois qui ont suivi, j’ai oscillé entre une utilisation beaucoup plus modérée et une utilisation intensive. Je me sentais encore souvent énervée, stressée, car la pulsion d’aller dessus était forte.Parfois, je craquais. Mais les journées où j’arrivais à ne pas y toucher, me prouvaient que j’étais toujours vivante et que mes proches ne m’avaient pas oubliée (ah, cette peur de l’abandon !).
Le cadre que j’ai mis en place
Aujourd’hui, j’ai une relation (presque) totalement apaisée avec les réseaux, et les écrans de manière générale.
Je suis passée de considérer ces outils comme le diable, à me demander comment je pouvais les utiliser pour aider les autres, partager mes savoirs et me sentir plus épanouie. Finalement, ce n’est qu’un outil. Qui pollue beaucoup certes, mais qui peut faire des merveilles lorsqu’il est entre de bonnes mains.
A force de tester, j’ai trouvé une méthode qui me convient bien :
- Je les utilise une seule fois par jour
- Plutôt en fin de journée, et jamais le matin
- 20 minutes maximum, toute plateforme confondues (sauf youtube)
- Je poste uniquement quand j’ai vraiment quelque chose à apporter, pas pour nourrir l’algorithme
- Je ne suis abonnée qu’à des comptes qui m’inspirent et m’apprennent de nouvelles choses
- Je fais des pauses dans l’année, de plusieurs jours à plusieurs semaines, afin de retrouver ma créativité et de me distancier de la comparaison.
Car, même en ayant ce super cadre, il peut rapidement m’arriver de me comparer et de tuer ma créativité. Ces pauses me permettent de me comparer à une personne : Moi-même. Cela change tout ,car j’arrête alors de me mettre une pression monstre, en me disant que je n’ai toujours pas au moins un SMIC, toujours pas investi dans un terrain, toujours pas fait le tour du monde comme d’autres (et bravo à elles / eux !).
Au moment où j’écris cet article, je sors doucement d’une pause d’un mois et demi de réseaux sociaux.
C’est ce qui m’a permis de découvrir medium et substack et de publier mes premiers articles.
C’est aussi ce qui m’a permis de beaucoup plus m’instruire, lire des articles, regarder des documentaires sans aucune distraction et passer de longs appels avec mes ami.es.
Les réseaux sociaux peuvent avoir un pouvoir incroyable et nous pouvons faire de merveilleuses choses avec. Ils peuvent nous apprendre à jardiner, avoir une meilleure santé, faire du sport, et tout cela, sans bouger de chez soi, parfois, sans même dépenser d’argent.
L’important est de savoir pourquoi on les utilise.
Pour combien de temps.
Se laisser du temps le matin pour s’ancrer, respirer et s’activer.
Vous n’avez peut-être pas besoin de vous en passer pendant plusieurs semaines, mais, si l’envie vous titille, essayez. Ca peut vous changer la vie et vous apporter des idées que vous n’auriez jamais eues sans.
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